Il n’est pas nécessaire d’attendre le 8 mars chaque année pour parler de l’égalité professionnelle et de la place des femmes en entreprise.
Lorsqu’on évoque cette dite place, il n’est pas rare de tomber sur trois types de réactions :
Le 8 mars dernier, on avait envie de donner la parole à ces personnes qui pensent que la diversité de genre est une évidence et qu’elle fait du bien à l’entreprise. Pas n’importe quelles personnes : des hommes. Des hommes qui s’engagent par leurs convictions et leurs actions pour une société et des organisations plus mixtes et plus égalitaires. C'est pourquoi nous avons lancé la campagne #Icare4her sur Youtube et les autres réseaux sociaux.
(Re)voir les vidéos sur Youtube
Ce fut l’occasion de creuser avec eux le sujet de la mixité en entreprise en 2016, avec des chiffres notamment, et de constater comme Françoise Gri, le « plafond de verre », qui entrave la progression professionnelle des femmes, demeure une réalité dans le monde du travail ».
Chez Talentis, nous travaillons toute l’année sur le sujet de la mixité en entreprise et du leadership au féminin. Les recherches, les documentations, les études (Gallup, Catalyst, Women Equity…), toute la matière scientifique le prouve : les entreprises les plus égalitaires sont aussi les plus performantes.
Il est certain que les mentalités ont évolué positivement ces dix dernières années, aidées par l’engagement politique (pour ne pas parler de pression), notamment en France avec les lois Copé-Zimmermann et Sauvadet qui fixent un seuil minimal de 40% de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des grandes entreprises privées et publiques d’ici 2017.
Nous avons donc cherché quelques chiffres récents et mis à jour pour vérifier que l’évolution positive des mentalités en faveur de la mixité professionnelle s’était corrélée à une réelle augmentation de l’égalité professionnelle et voici ce que nous avons trouvé.
Source Women in The Workplace
Lors de nos interventions et de nos discussions avec différentes parties prenantes des entreprises que nous accompagnons sur le sujet, nous constatons à quel point les organisations et les collaborateurs ont du mal à se mettre en marche. Pourquoi par exemple, alors qu’il existe un consensus de plus en plus large sur l’impact positif de la mixité en entreprise, certaines ont-elles décidé d’adopter une stratégie de contournement de la loi Copé-Zimmermann en réduisant notamment le nombre de sièges de leur CA pour fausser la proportion de femmes ?
Dans cette même étude de Women in the Workplace, seulement 37% des femmes et 49% des hommes interrogés estiment que la mixité est une priorité pour leur CEO alors que 74% des CEO interrogés se sont positionnés pour les mettre prioritairement à l’agenda stratégique de leur entreprise. Or, il a déjà été prouvé que sans engagement clair (réel ou vécu) du top management, aucune action en faveur de la mixité n’est pérenne.
Depuis le 21 mars dernier, une femme, Sophie Bellon dirige une entreprise du CAC 40, rejointe le 3 mai par Isabelle Kocher. C’est une première depuis la création de l’indice en 1987.
En 1977, 2/3 des Américains pensaient qu’il était « bien mieux pour tout le monde si l’homme était celui qui réussissait à l’extérieur pendant que la femme prenait soin de la maison et de la famille ». En 1994, 2/3 des Américains étaient opposés à cette affirmation.
Les obligations légales et réglementaires ne sont pas les seules raisons qui font progresser la mixité en entreprise et d’ailleurs, heureusement ! Les entreprises, conscientes qu’elles ne peuvent plus se permettre de passer à côté du vivier de talents que représentent les femmes alors même que recruter et retenir les meilleurs profils est devenu une véritable bataille.
Dès 2007, McKinsey écrivait « la mixité est un levier de performance dans l’entreprise. » Une pénurie de 24 millions de personnes actives est à prévoir en 2040. Si le taux d’emploi des femmes atteignait celui des hommes, cette pénurie serait de seulement 3 millions d’actifs.
Par ailleurs, les études le prouvent toutes, la mixité est un véritable vecteur de performance. Les entreprises qui ne comptent aucune femme dans leur board, sous-performent en moyenne de 18% et celles qui comptent plus de 35% de femmes parmi leur encadrement ont généralement une croissance supérieure de plus de 60% à celles qui restent masculines.
Cela a permis de sortir petit à petit de l’apathie dont parle si bien le livre « Mixité, quand les hommes s’engagent ». Plus le sujet est médiatique, plus la conscience des coûts associés aux biais de genre et des opportunités que la mixité en entreprise apporte augmente, moins il est possible d’ignorer le sujet.
Comme le dit Marie-Christine Maheas, co-auteure de Mixité, quand les hommes s’engagent :
« La mixité est un vecteur déterminant d’innovation, la mixité permet d’attirer et de garder les talents au sein de l’entreprise, la mixité est facilitateur de transformation, la mixité génère une satisfaction et rétention clients accrue, et la mixité est synonyme de plus grande capacité à se transformer lorsque nécessaire, et notamment en temps de crise (…) ».
Depuis 5 ans, la société civile, aidée par la force de frappe des réseaux sociaux et par la visibilité de certaines célébrités, s’est largement emparée du sujet.
Citons à titre d’exemple l’engagement d’Emma Watson pour l’initiative des Nations #HeforShe, la lettre ouverte de Jennifer Lawrence en faveur d’une égalité de salaires à Hollywood, le collectif #JamaisSansElles pour développer une plus grande parité dans les manifestations publiques … Il est vrai que la culture est particulièrement inégalitaire en matière de représentation et de récompenses.
Source : Ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes
Réseaux de femmes et DRH se sont emparés du problème il y a une dizaine d’années mais ce n’est plus suffisant désormais pour faire progresser la mixité en entreprise. La mixité est désormais une question d’inclusion, de performance et finalement, un vrai projet de transformation. La mixité requiert un véritable changement de culture d’entreprise, qui prend du temps, où les femmes ont non seulement les moyens nécessaires pour développer leur leadership, mais sont également convaincues qu’elles ont autant de chances que les hommes pour le faire.
Aujourd’hui encore, 43% des femmes interrogées dans l’étude Women in the Workplace (citée plus haut) estiment qu’elles ont moins d’opportunités que les hommes pour progresser dans leur carrière. Une majorité d'entreprises offre des programmes de développement de carrière, mais beaucoup de femmes et d’hommes rechignent à les utiliser par peur d’être pénalisés.
Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est qu’il existe autant de situations qu’il y a d’entreprises. La question de la diversité est multidimensionnelle et ne peut être traitée de manière identique pour toutes les entreprises. Un article récent de McKinsey (eng) publié en mars 2016 suggère que chaque organisation identifie dans un premier temps à quelle étape elle perd le plus ses talents féminins.
McKinsey a pour cela établit trois goulots d’étranglement : le recrutement (« unable to enter »), le middle-management (« stuck at the middle ») et les postes de direction (« locked out of the top »). Cela permet aux organisations de se concentrer sur leur propre fuite des talents de manière plus stratégique.
Dans l’étude Women in the Workplace de McKinsey (citée plus haut), 65% des femmes mères de famille interrogées ont affirmé refuser un rôle à responsabilités de peur de ne pas pouvoir gérer de manière équilibrée vie de famille et vie professionnelle. Parallèlement, plus de 90 % des femmes et des hommes pensent par ailleurs que prendre un congé parental plus long aura un impact négatif sur leur carrière. Pourtant, lorsque Google a augmenté le congé maternité de six semaines, les RH ont constaté qu’ils avaient réussi à réduire l'érosion des talents féminins de 50%.
Une étude du Center for Work and Family du Boston College réalisée en 2011, 65% des pères interrogés reconnaissent que père et mère devraient s’occuper des enfants de manière égale. 72% des 18-29 ans aux Etats-Unis affirment que les meilleurs mariages sont ceux dans lesquels homme et femme se partagent carrière et famille.
Mais lorsque les obligations familiales se confrontent aux ambitions, ce sont les femmes qui décident majoritairement de ralentir leur avancement, soit en quittant toute activité, soit en privilégiant un temps partiel alors même qu’elles sont 70% en moyenne à vouloir accéder à des postes à responsabilités dans leur carrière.
C’est d’autant plus « compréhensible » qu’à diplôme, compétences et emploi égaux, les femmes sont moins payées que les hommes et sont moins représentées dans les postes où l’on peut bénéficier de flexibilité, notamment en matière d’horaires et de lieu de travail. La souplesse dans les horaires de travail vient en tête des priorités pour les parents salariés interrogés par l'Observatoire de l'équilibre des temps et de la parentalité en entreprise (baromètre de juin 2015). L’Observatoire promeut auprès des entreprises les bonnes pratiques RH en faveur des parents salariés. Quelque 500 entreprises, parmi lesquelles Areva, Renault, Bouygues ou Orange, ont adopté la charte de la parentalité.
Nous l’avons vu, la visibilité publique de l’égalité professionnelle et de la mixité en entreprise a considérablement augmenté ces dernières années. Pourtant, les chiffres n’évoluent que très peu et à toute petite vitesse. A ce rythme, la parité en entreprise ne sera atteinte qu’en 2095.
Comme Google et ses formations sur les « unconscious bias » ou encore Randstad qui a formé plus de 800 managers sur la lutte contre les stéréotypes, il est important de lever le voile sur les stéréotypes qui freinent les femmes en entreprises. Pourtant, comme l’explique Brigitte Laloupe, auteure de « Pourquoi les femmes gagnent moins que les hommes », c’est dès le plus jeune âge qu’on devrait parler de ces mécanismes pyschosociaux qui freinent l’égalité professionnelle. Selon Michel Ferrary, fondateur de l’Observatoire Skema de la féminisation des Entreprises du CAC40 « les parents reproduisent l’identité sexuelle des métiers auprès de leurs enfants : ils seront étonnés si leur fille veut travailler dans le secteur automobile ou le BTP (…)».
La question de la mixité et de la diversité est de fait une question qu’il faut sans doute encore plus poser. Notamment parce que la moitié des personnes actives en 2020 seront issues de la Génération Y. Dans une étude réalisée par Deloitte, 83% des Millennials interrogés affirment être plus engagés lorsque la culture d’entreprise promeut inclusion et collaboration. Ces jeunes professionnels sont la génération la plus diversifiée de l'histoire. Seulement 59% sont de caucasiens et 27% ont des parents ou grands-parents issus de l’immigration.
Selon une étude de PWC, les femmes Millennials sont plus ambitieuses et confiantes quant à leur développement de carrière, 66% gagnent autant ou plus que leur conjoint et 53% font des opportunités de carrière le premier trait d’attractivité d’une entreprise.
Dans le même temps, 71% des femmes Millennials interrogées affirment que la diversité est un sujet traité par les organisations, mais ont quand même le sentiment qu’elles auront moins d’opportunités que les hommes, notamment parce qu’elles estiment à 43% que les employeurs sont « male-biased », et particulièrement en France, en Irlande et en Espagne.
Sans doute faut-il repenser l’approche de la mixité en entreprise, l’adapter à des définitions/conceptions de la mixité qui ont évolué sans supposer que les Millennials n’auront pas de stéréotypes (inconscients) au moment de recruter ou de promouvoir une personne. D’autant plus que dans l’étude Deloitte citée un peu plus haut, les Millennials interrogés définissent l’inclusion comme une culture de la connexion qui facilite l’esprit d’équipe, la collaboration et la croissance professionnelle, et affecte positivement les résultats business de l’entreprise, plus que comme une égalité d’opportunités selon qu'on soit une femme ou un homme.
Lorsqu’il s’agit de mixité, les positions des hommes de la Génération Y sont d'ailleurs très peu en avance par rapport aux générations d'avant. Un article de Harvard Business Review publié en décembre 2014 (« Rethink what you « know » about high-achieving women ») montrait qu’il ne fallait pas faire de raccourcis lorsqu’on associe mixité et genY. Les jeunes hommes Millennials sont 50% à penser que leur carrière est plus importante que celle de leur conjointe et 66% à penser que c’est à elle de s’occuper en priorité des enfants.
La mixité progresse en entreprise, c’est indéniable, largement aidée par la mobilisation citoyenne et médiatique. Pourtant, d’année en année, les efforts réalisés tendent à diminuer, trop axés « leadership au féminin » et sans doute pas assez mixité, rétention et développement. Or, ces sujets sont au cœur de l’entreprise de demain, celle qui restera innovante, attirera tous les talents et gardera un temps d’avance sur ces concurrents.
Alors que toutes les grandes entreprises réfléchissent aux nouveaux modes de management et aux formes de travail adaptées à des jeunes générations plus flexibles, plus mobiles mais aussi plus exigeantes, il est urgent et crucial qu’elles réinventent leur approche de la mixité, non parce qu’elles risquent une amende (celle-ci est ridicule tant elle est petite), mais parce qu’elles n’ont plus le luxe de se priver de compétences et d’expériences diverses pour enrichir leurs équipes.
1) Un engagement clair et fort de la part du top management et de la direction
2) Sensibiliser et lutter contre les stéréotypes de genre qui laissent penser que les femmes ont moins d'ambition/de disponibilité etc...
3) Adopter une approche flexible du travail et du management centrée sur les résultats plutôt que sur le présentéisme
4) Accompagner les plus jeunes collaborateurs sur ces sujets
5) Créer des espaces de paroles, de réflexions entre collaborateurs des deux sexes pour échanger sur ce sujet.
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