Le télétravail suscite un engouement croissant. Les articles et études consacrés au sujet sont de plus en plus nombreux et un think tank s’est récemment formé : le site Internet Zevillage, dédié notamment au télétravail, lançait en novembre dernier, le Club Zevillage afin de regrouper des entreprises, des experts, des collectivités territoriales autour des nouvelles formes de travail.
L’affaire est grande : le télétravail sort peu à peu de son étiquette « parent et garde d’enfant / freelance/ hippie installé en province » pour enfin être pris au sérieux. Il est désormais réellement considéré comme un outil du travail de demain dont la révolution est en marche.
L’influence des espaces de coworking qui fleurissent en France, des smartphones qui floutent les limites entre sphère professionnelle et personnelle, de la génération Y qui a appris à travailler n’importe où et à transporter son ordinateur partout, de la hausse du nombre d’autoentrepreneurs… autant d’éléments qui expliquent en partie le décollage du télétravail en France et partout dans le monde.
La tâche est sans doute plus difficile en France où l’on peine à faire émerger les notions d’espaces partagés et non-nominatifs, en particulier en entreprise.
Aux Etats-Unis, Wired estime qu’en 2016, 43% des Américains travailleront depuis chez eux (contre 23% aujourd’hui) et Intuit2020 chiffre à 40% le nombre de freelance américains en 2020. En France, il existe 17% de télétravailleurs dont 14,2% sont des salariés télétravailleurs.
Talentis s’est penché sur la question : nous avons mis en place le télétravail il y a déjà cinq ans après demande de certains des collaborateurs. Aujourd’hui, les ¾ de l’équipe le pratique à raison d’une journée par semaine sans parler des coachs partenaires. Voici ce qu’on retient et ce qu’on conseille.
Source : Zevillage
Bien-être et productivité
On reconnait volontiers le manque d’autonomie comme un facteur de stress au travail. Traduit par une marge de manœuvre réduite tant au niveau de l’exécution de son travail, l’organisation de son temps ou l’aménagement de son environnement, il génère souvent de la frustration et un sentiment de non-accomplissement.
Morgane, coordinatrice client et projet chez Talentis le dit bien volontiers
Ces journées en télétravail sont importantes pour moi. Elles créent du rituel dans mon organisation : je sais que le jeudi je peux travailler sur des sujets importants mais pas urgents, mon agenda de la semaine est donc structuré en fonction et je me sens moins sous pression. Le fait d’être à la maison me permet d’être plus concentrée et d’avancer plus rapidement sur ces gros dossiers. J’habite en banlieue, donc j’économise un temps précieux et cela me permet de mieux vivre les aléas des transports en commun le reste de la semaine.
Une étude de l’Université de Stanford, publiée en 2013, a montré que lorsque les employés chinois d’un centre d’appels travaillaient chez eux, leurs performances étaient améliorées de 13%. Selon une étude de l’Anact (Agence Nationale pour l’amélioration des conditions de travail), les salariés s’estiment en général plus productifs en télétravail. Souvent grâce à une réduction importante des sollicitations des collègues ou des appels. Halte donc aux clichés, le télétravail ne sert pas à faire du shopping ou à lézarder au soleil : la productivité des télétravailleurs augmente de près de 25 % selon Philippe Planterose, Président de l’Association française du télétravail et des téléactivités. Véritable remède à l’absentéisme, selon une étude commandée par la société Citrix, près de 10 milliards pourraient être gagnés en France par un recours plus important au télétravail.
Télétravail : pas que chez soi !
Le télétravail dans les tiers lieux* répond souvent aux craintes de certains employés à travailler depuis chez eux et à laisser le bureau s’immiscer un peu trop dans leur sphère personnelle. Le café, l’espace de coworking, la bibliothèque…autant de lieux initialement utilisés par les indépendants qui séduisent de plus en plus les salariés. Sources de créativité, ces endroits permettent aux télétravailleurs de casser un peu la routine « métro-boulot-dodo » et rassurent l’employeur.
Ophélie, chargée de communication et d’innovation chez Talentis, travaille entre une journée et une journée et demi en moyenne par semaine à distance. Mais pas question pour elle de rester chez elle
Si je n’ai aucun problème pour travailler depuis chez moi, je trouve ça dommage de me priver de l’atmosphère de cafés ou des bibliothèques dans lesquels j’arrive à être particulièrement productive. J’ai souvent du mal à rester concentrée du fait des nombreuses sollicitations quotidiennes liées à la vie de bureau, je sais que dans ces endroits, je peux avancer rapidement. Et puis, ça stimule ma créativité. Ça m’arrive même de travailler dans les cafés des musées : dès que j’ai besoin d’une pause, je fais un tour dans le musée et je m’y remets. Cela me permet de garder l’esprit ouvert.
Les règles d’un télétravail qui fonctionne !
Le télétravail apporte plus d’autonomie oui, et assure une productivité supérieure. Mais il ne saurait s’affranchir de quelques règles qui incombent aussi bien aux salariés qu’aux managers.
En tant que télétravailleur, Il faut apprendre à gérer son temps, sanctuariser des espaces et des lieux, rester disponible pour son employeur à certains horaires. Finalement le travail à distance demande une plus grande responsabilisation en matière d’organisation (les tâches et projets sont bien identifiés comme pouvant relever d’un travail à distance) mais aussi de motivation (attention au piège de la procrastination). Pensez en outre à rendre visible votre travail : cela évite d’être soupçonné de moins travailler que les autres.
Le manager de son côté devra s’assurer que le salarié a tout l’équipement nécessaire à un travail à distance. Par ailleurs, le télétravail alterné limité à un ou deux jours par semaine semble être la meilleure option. Il permet d’assurer un contact physique avec le reste de l’équipe afin d’éviter tout risque d’isolement et de perte de lien collectif. Evitez de préférence de mettre tout le monde en télétravail le même jour pour conserver le dynamisme d’équipe et éviter les jours « blancs ».
Enfin, il faut s’habituer aux réunions virtuelles : Skype et les autres outils de téléconférence doivent être utilisés un maximum afin d’impliquer au maximum les télétravailleurs. S’ils ne sont pas là physiquement, cela ne veut pas dire qu’ils sont absents et cela permet de conserver le sentiment d’appartenance au groupe.
Finalement, revoir les pratiques managériales
Selon une étude réalisée par Mobilitis et OpinionWay sur le télétravail en 2012, 48 % des dirigeants sont opposés à une demande de télétravail partiel. Parmi les raisons invoquées figurent la difficulté de contrôler la qualité et de communiquer, la perte de productivité, le manque de synergies, le manque d'implication dans la vie de l'entreprise et le manque de soutien managérial et de motivation.
Le télétravail implique effectivement une petite révolution culturelle dans le management français encore très taylorien : mesurer l’efficacité par les objectifs et non plus par le présentéisme. Or les pratiques managériales restent rétives à l’autonomie et l’absence de contrôle « visuel ». Globalement, les entreprises françaises n’ont encore que trop peu développé un management fondé sur la confiance qu’exige le télétravail. Toute forme de travail à distance détruit l’idée clé selon laquelle présence = productivité. Et c’est justement ce qui freine encore beaucoup de DRH et managers qui ont surement mal été renseignés/formés au management du travail à distance.
Une politique d’entreprise favorable au télétravail sera bien implantée et vécue au sein de l’équipe si la communication est claire autour des objectifs. Evitez de le proposer seulement aux personnes qui ont des enfants et/ou qui habitent en banlieue. Cela stigmatise le télétravail et peut être vécu comme un privilège. Proposé à tous, le télétravail développe le bien-être des salariés, libère leur créativité et leur productivité à condition qu’il soit bien encadré.
Enfin, n’oubliez pas que le télétravail n’est pas une zone de non-droit : tous vos salariés ont le droit de se déconnecter lorsque la journée est terminée et ils n’ont aucune obligation de travailler même à distance lorsqu’ils sont malades.
Pour aller plus loin : nous vous recommandons l’excellent dossier de Sciences humaines que vous pouvez retrouver ici et dont nous avons repris les quatre statuts différents ci-dessous. Sciences humaines réalise d’ailleurs une enquête sur changer le travail.
L’étude Opinion Way et Mobilitis ici
Quatre statuts différents
◊ Le télétravail désigne le fait de travailler à distance de son entreprise. Mais le télétravail ne se résume pas au travail à domicile (même si c’est le cas la plupart du temps). Certaines entreprises mettent en place des télécentres qui permettent à des employés de travailler plus près de chez eux. On peut travailler à distance de son entreprise dans un hôtel ou dans les transports, sur un lieu de vacances en utilisant son ordinateur, son smartphone et ses dossiers.
◊ Le travail nomade consiste à alterner les lieux d’activité. Il concerne des cadres, chercheurs, journalistes, managers, consultants qui se déplacent souvent pour des raisons professionnelles.
◊ Le travail à domicile n’est pas forcément du télétravail : une assistante maternelle garde les enfants chez elle, sans pour autant être une télétravailleuse.
◊ Le « travail gris » n’est rien d’autre que le fait d’emporter du travail chez soi sans que cela soit fixé dans le cadre du temps de travail officiel. Il y a bien longtemps que les enseignants travaillent chez eux pour corriger les copies, que les cadres, managers, avocats, universitaires, apportent du travail à la maison, que le médecin ou restaurateur fait ses comptes le dimanche après-midi.
Source : Sciences Humaines
Prenez un moment avec nos consultants pour partager vos besoins et questionnements et nous construirons une offre personnalisée